- Pierre de Plater
Acceptation tacite du renouvellement du bail commercial : qui ne dit mot ne consent pas toujours !
Civ. 3ème, 7 sept. 2022, n° 21-11.592
La Cour de cassation est une nouvelle fois saisie des modalités de mise en œuvre des congés avec offre de renouvellement.
A titre d'illustration, par un arrêt du 11 mai 2022 (n°19-13.738), la troisième Chambre a jugé que l’acceptation par le bailleur du principe du renouvellement du bail commercial, sous la réserve d’une fixation judiciaire éventuelle du loyer, emportait renonciation de celui-ci à se prévaloir des manquements du locataire, antérieurement notifiés.
De la même manière, par un arrêt du 15 avril 2021 (n°19-24.231), la troisième Chambre a approuvé une cour d’appel d’avoir jugé qu’un bailleur qui avait accepté la demande de renouvellement de son locataire aux clauses et conditions du bail antérieur, avait donné son accord exprès au renouvellement aux conditions du bail antérieur, prix compris Ainsi, la réponse formulée par le bailleur était une acceptation « totale » du renouvellement et de ses modalités, et faisait obstacle à une action postérieure en fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé.
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Dans le cadre de la décision commentée, un bailleur signifie à son locataire - exploitant d'une maison de retraite - un congé avec offre de renouvellement, puis l’assigne en constatation du renouvellement du bail commercial. La cour d’appel d’Amiens fait droit à sa demande et condamne le locataire à régler un arriéré de loyer. La décision appréhende deux aspects précis de l’offre de renouvellement prétendument acceptée de manière tacite par le locataire :
- Tout d’abord, adoptant les arguments du bailleur, la cour d'appel considère que le locataire a tacitement accepté les conditions financières de l’offre de renouvellement, au motif qu’il a gardé le silence et s’est acquitté régulièrement du loyer proposé.
- Ensuite, le bailleur prétendait que le locataire ne bénéficiait pas de la faculté de résiliation triennale, considérant que les locaux étaient monovalents. Ils échappaient donc à l’article L.145-4 al. 2 (1ère ph.) du Code de commerce. Cet aspect était fondamental, en ce que l’offre de renouvellement émise par le bailleur intégrait une clause de renonciation à résiliation triennale. De manière surprenante, la juridiction d’appel avait considéré que les locaux étaient monovalents, rendant la renonciation du locataire, superfétatoire.
La Cour de cassation casse, dans tous ses aspects, l’arrêt rendu par les magistrats amiénois.
S’agissant du consentement au prix du loyer du bail renouvelé.
La Cour de cassation juge que le paiement par le locataire du loyer du bail renouvelé, après la prise d'effet du congé, ne caractérise pas son acceptation tacite et non équivoque. En effet, le loyer proposé par le bailleur était identique au loyer initial du bail échu. Aussi, cela ne permettait pas d'appréhender la portée de ce paiement au regard de l'offre de renouvellement.
S’agissant de la prétendue monovalence des locaux loués.
La troisième Chambre reproche à la décision objet du pourvoi de ne pas avoir caractérisé la renonciation, par le locataire, à sa faculté de résiliation triennale du bail.
Morale de l'espèce : qui ne dit mot ne consent pas toujours ... enfin, tant que l'action n'est pas prescrite !
Pierre de Plater
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