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Congé reprise pour habiter : motif recevable, congé annulé et QPC

CA Paris, Pôle 4, ch. 4, 21 juin 2022, n°19/19149


Les bailleurs d’un logement vide, habitant en Seine Saint-Denis, entendent récupérer le bien loué à un couple de locataires, pour y loger et permettre à « leur fils de bénéficier d’une scolarité dans un établissement de bon niveau ». L’anonymisation de la décision nous permet de comprendre que le logement objet de la reprise est situé à Paris.


Nul doute que la question du caractère réel et sérieux de la décision de reprise allait provoquer des débats. Pour les locataires, le motif n’est pas sérieux, en ce qu’il n’est étayé d’aucun critère objectif et qu’il est discriminatoire. Ils sollicitent donc l’annulation du congé pour cette raison.


La Cour n’accepta pas de procéder à une analyse sociologique ou comparative des établissements en cause dans chacune des localités, validant le congé, au motif que le choix, pour des parents, d’inscrire leur enfant dans une école ou un collège parisien plutôt que dans l’établissement dont ils dépendent actuellement n’a pas à être remis en cause ni par la justice, ni par les locataires. Il s’agit d’un choix strictement personnel, qui relève de la seule autorité parentale, et qui ne peut être critiqué par les preneurs.


Cette satisfaction des bailleurs fut cependant de courte durée, l’un des cotitulaires, âgé de plus de 65 ans à la date d’échéance du contrat, faisait valoir que ses ressources étaient inférieures au plafond pour l’attribution des logements locatifs conventionnés. En effet, l’article 15 III de la loi du 6 juillet 1989 conditionne le congé à une offre de relogement des bailleurs, lorsque le locataire cumule les deux conditions d’âge et de ressources.


Un des locataires étant âgé de plus de 65 ans, la question se portait sur le mode de calcul des ressources. La Cour d’appel a alors jugé que l’ensemble des ressources du couple devaient être prises en compte (le revenu fiscal de référence du couple et non seulement de la personne âgée de plus de 65 ans).


Les bailleurs personnes physiques ne pouvant pas remplir cette condition, le congé était annulé et le bail était reconduit à la date de son échéance.


La situation est particulièrement difficile pour le bailleur qui doit dans ces conditions, proposer un logement comparable dans une zone environnante, étant également tributaire de la situation du logement, dans la zone concernée (et en l’espèce, Paris).


C’est pour cette raison que les bailleurs, déboutés de leur demande devant la cour parisienne, ont entendu soumettre le litige à la Cour de cassation, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). QPC qui a été renvoyée au Conseil constitutionnel par décision du 30 mars 2023 (Cass. civ. 3ème, 30 mars 2023, n°22-21.763).


En effet, pour la Haute juridiction, l’atteinte au droit de propriété du bailleur peut être considérée comme disproportionnée « dès lors que l’état du marché locatif dans le secteur concerné est susceptible de rendre impossible la soumission par le bailleur personne privée, d’une offre de relogement correspondant aux possibilités de locataires dont les ressources sont inférieures aux plafonds pour l’attribution de logements locatifs conventionnés ».


La décision du Conseil constitutionnel, dont l’audience est agendée au 16 mai 2023 à 9h30, pourrait avoir des conséquences extrêmement importantes sur la pratique du congé reprise pour habiter.


A suivre, donc.


Pierre de Plater

Avocat

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